29 novembre 2014

Comment lutter contre l'échec scolaire ?

L'Histoire magazine, 06/12/2013 par Antoine Prost
La qualité de la formation des maîtres, la composition des classes et … le travail sont décisifs.
Comment définir l'échec scolaire? Pris globalement, par grandes masses, l'échec scolaire est celui des élèves qui sortent de l'école sans qualification aucune. En ce sens, l'échec scolaire diminue : aujourd'hui, 70000 jeunes environ sortent du système scolaire sans qualification, contre 120000 en 1985.
Si l'on prend les élèves individuellement, la question est beaucoup plus compliquée. Il faut distinguer le succès et le progrès. Le succès, c'est de passer dans la classe supérieure et de réussir l'examen. Or, dans la culture française, très différente par exemple de la culture américaine, si tout le monde passe dans la classe supérieure, beaucoup pensent que les professeurs sont laxistes, et si tout le monde réussit, c'est que l'examen ne vaut rien. Dans notre culture, il faut que certains échouent pour que la qualité des autres soit reconnue. L'école, en ce sens, ne lutte pas contre l'échec scolaire, elle le produit, dans des proportions variables.
Le progrès des élèves, c'est différent : l'élève qui échoue peut cependant avoir progressé, et les élèves qui réussissent n'ont pas toujours beaucoup progressé, par exemple si la classe était « faible ».
Qu'est-ce qui fait que les élèves progressent ? D'abord la qualité des professeurs et leurs méthodes, qu'on peut améliorer. De ce point de vue, nous sommes en pleine régression avec la suppression des IUFM et de la formation des maîtres. Croire que parce qu'on a un master on est capable d'apprendre à lire à des enfants de six ans est une énorme sottise. Je suis à bac + 50, et j'en suis incapable. Ensuite la composition des classes : contrairement à une idée reçue, il est établi que les élèves, «bons» comme «mauvais», progressent davantage dans des classes hétérogènes que dans des classes constituées seulement de « bons » ou de « mauvais ».
Enfin, et surtout, si les élèves ne travaillent pas, et ne travaillent pas bien, intelligemment et efficacement, ils conserveront de l'école seulement le souvenir d'y avoir entendu des gens qui savaient, mais ils ne sauront rien ; pire, ils trouveront normale la médiocrité, l'absence d'exigence. En prime, ils accepteront comme légitimes et naturels les on-dit, les à-peu-près, les idées reçues, voire les idées folles. Voyez la prospérité du charlatanisme. De toute façon, changez les programmes comme vous voulez : les professeurs n'enseignent jamais que ce qu'ils peuvent.
Dans cette perspective la « discipline» prend aujourd'hui une importance décisive. Quand on ne peut pas faire tenir tranquille les élèves, qu'ils refusent de faire attention, de travailler, et même de laisser les autres travailler, l'efficacité de l'école devient problématique. Instaurer un minimum de discipline et d'adhésion aux objectifs de l'école, voilà le vrai problème de ce début de siècle. Ce à quoi s'emploient  professeurs et des instituteurs, avec générosité et énergie.
Et d'énergie, ils en ont besoin, croyez-moi. C'est pourquoi je suis moins scandalisé que beaucoup de commentateurs par le fait qu'on affecte des débutants dans des classes difficiles. Il faut une énergie encore entière, de la passion, de la chaleur, l'envie de se battre, pour entraîner les élèves et les faire travailler. L'enthousiasme des néophytes est plus efficace, ici, que l'expérience des professeurs «chevronnés», dont certains se contenteraient d'administrer le désordre ambiant.

Par Antoine Prost